À l’occasion des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui ont pris fin le 28 septembre 2021, le Président de la République Emmanuel Macron a fait part à l’assemblée, de nombreuses mesures préconisées par l’État. Parmi ces dernières figure le dispositif portant sur le remboursement consultation psychologue par la Sécurité sociale. La santé mentale étant un sujet trop souvent banalisé avant la pandémie de la Covid 19, les associations et autres acteurs de ce secteur déshérité ont scruté cette annonce avec intérêt. Le Chef d’État français a effectivement reconnu que la mise à niveau des moyens mis à disposition de ces derniers devenait un impératif compte tenu des circonstances. Pourtant, des questionnements relatifs à l’efficacité de cette mesure ainsi que les modalités de son implémentation subsistent. D’autre part, cette décision a été loin de ravir la globalité des psychologues qui, selon certains, relève d’un paradoxe.
Un point sur les besoins en consultation psychologue
Si les problèmes de santé mentale étaient déjà présents bien avant l’arrivée de la pandémie, le contexte dans lequel cette dernière a plongé la population a accru la situation dans le secteur. En effet, entre le 31 août et le 7 septembre, Santé publique France a réalisé l’enquête CoviPrev, dont les résultats ont été publiés le 17 septembre dernier. Ces rapports révèlent une hausse de 5 points de plus sur le taux des Français montrant des signes d’état dépressif. Ils représentent désormais 15 % de la population.
Dans la foulée, Santé publique France indique également une augmentation de 10 points sur le taux des Français qui présentent actuellement des signes inquiétants d’état anxieux élevé. Ce taux est estimé à 23 %.
Toujours selon les rapports de cette enquête, le taux des personnes ayant eu des idées suicidaires est aussi supérieur de 5 points à celui de la période hors pandémie. 10 % des Français en sont actuellement victimes.
Ces augmentations dénoncent une fragilisation grandissante de la santé mentale de la population due principalement à l’état d’isolement dans lequel les Français ont été plongés durant la pandémie. Le confinement se présente comme le facteur déterminant qui a conduit au développement de signes anxieux et dépressifs chez une minorité croissante de personnes en France. Olivier Véran, le ministre de la Santé avait annoncé lundi à l’ouverture des Assises, la mise en application du nouveau système de prévention du suicide.
D’autre part, près de 15 à 30 % des mères seraient également victimes de dépression post-partum. En parallèle avec les autres mesures élaborées par l’État pour aider la population, Adrien Taquet, le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles a affirmé la mise en application à partir de 2022, d’un dispositif de repérage systématique de manière à mieux orienter les patients par la suite.
Si les demandes de consultation psychologue ont connu une augmentation flagrante, il en est également de même pour le remboursement psychologue. D’ailleurs, la Fédération nationale de la Mutualité française d’affirmer que cette crise sanitaire a favorisé le déploiement d’un système de remboursement consultation psychologue par les mutuelles.
Le public a été très réceptif, car sur la période de la fin mars jusqu’à la fin août 2021, près de 512 000 adhérents ont réclamé au minium un remboursement sur leurs consultations. Un chiffre qui a également décuplé compte tenu du fait que sur toute l’année 2019, les adhérents n’étaient que 200 000. Ce dispositif préconisé par l’État en faveur du secteur la psychiatrie publique est perçue par la Fédération hospitalière de France comme une réponse pertinente au besoin de réforme indéniable. Il paraît évident que les fonds utilisés pour le remboursement des consultations psychologues permettront de redresser le problème historique de sous-financement que connaît le secteur.
Remboursement consultation psychologue, de quoi s’agit-il ?
D’après l’annonce faite par le Président, le système de consultation psychologue remboursement sera effectif en 2022. Olivier Véran, le ministre de la Santé, a d’ailleurs confirmé cette information à l’occasion d’une interview sur France Inter le mercredi 29 septembre dernier.
Le dispositif en question permettrait de dédommager intégralement les patients, mais sous certaines conditions. Dans le cadre de cette mesure, le tarif sera régi par une convention effectuée entre l’Assurance Maladie et les psychologues. À cet effet, ces derniers seront limités à des honoraires fixes contrairement à un praticien lié par une convention de secteur 2. C’est d’ailleurs ce que le secrétaire général du Syndicat national des psychologues, Patrick-Ange Raoult, décrie en affirmant que ce dispositif ne permettra pas aux professionnels de facturer au-delà des prix contractuels définis par l’Assurance Maladie. Le président a toutefois souligné que les psychologues restent libres d’adhérer ou non à ces parcours de soin.
D’autre part, le remboursement psychologue sera apparemment limité dans le temps et à raison d’un tarif forfaitaire fixé pour les dix premières séances. Celui-ci ne sera renouvelable qu’une seule fois si besoin, pour l’année qui suit les consultations. Il s’agit d’un financement qui sera fractionné en addition des complémentaires santé, mais dont les proportions restent encore à déterminer. Le complémentaire santé ainsi que l’Assurance Maladie ne prendront en charge que les séances, dont les tarifs sont restreints à 40 ou 30 €.
Dans les faits, la toute première consultation sera facturée à 40 € au patient et les suivantes lui coûteront 30 €. Le système de consultation psychologue remboursement mis en œuvre par l’État implique des séances à tarifs plafonnés et qui seront dénués de restes à charge.
À combien est estimé ce remboursement psychologue ?
Dans le cadre de la réalisation de ce dispositif de consultation psychologue remboursement, l’État envisage d’accorder en 2022 près de 50 millions d’euros, avant de monter à 100 millions d’euros pour les années qui suivront. C’est une décision qui répond apparemment à la demande que la Cour des comptes a laissé entendre dans son rapport sur « Les parcours dans l’organisation des soins de psychiatrie » publié en février dernier.
Si l’expérimentation du dispositif, dans un premier temps sur une échelle restreinte à quatre départements, est vue d’un bon œil par la Cour, cette dernière chiffre son extension sur tout l’Hexagone à environ 85 millions d’euros.
En comparant la situation de la France et celle d’autres pays, la Cour des comptes estime d’ailleurs que ce dispositif serait en mesure de générer de réels gains. Cela pourrait s’avérer effectif dans la mesure où la consultation psychologue remboursement permettrait de réduire de manière considérable les prescriptions de psychotropes aux patients et notamment les prescriptions d’arrêts de travail.
Cette évaluation de l’état de l’économie française est également appuyée par l’analyse faite par la directrice générale de la Mutualité française, Séverine Salgado. Si selon cette dernière consulter un psychologue pour un trouble dépressif relève de la prévention, elle met également en avant une affirmation dans une étude du Journal of Mental Health Policy and Economics qui a été publiée en 2013. Selon celle-ci, un euro versé dans le cadre d’une consultation pour dépression en psychothérapie conduit potentiellement à une hausse de deux euros de l’économie brute du pays.
Les conditions pour être éligible à ce remboursement
Comme mentionné précédemment, le remboursement psychologue est soumis à quelques conditions, dont le Président a fait part à l’assemblé lors de son discours. Il s’agit d’un dispositif qui s’adresse à toute la population française, dès l’âge de 3 ans. En revanche, seules les séances ayant été prescrites préalablement par un médecin peuvent en bénéficier. Ce qui implique de ce fait un passage obligatoire par un généraliste qui redirigera ensuite le patient vers un psychologue. D’autre part, il est impératif que le psychologue auprès duquel le patient se tourne adhère au dispositif. Il faut en effet savoir que le remboursement consultation psychologue ne sera pas systématiquement proposé par tous les psychologues.
Le Président Emmanuel Macron d’affirmer que certains professionnels vivent aisément de leur métier. La plupart d’entre eux facturent leurs honoraires à des tarifs largement élevés et peuvent continuer de procéder ainsi en dépit de la mise en place de ce système de consultation psychologue remboursement.
Le tarif forfaitaire proposé par l’État sur les consultations psychologues s’adresse surtout aux usagers qui n’ont pas les moyens de s’offrir des séances à prix relativement élevés. Le dispositif devrait également permettre à certains praticiens de mieux vivre de leur métier, toujours selon le Chef d’État français.
L’État dévoilera par ailleurs sous peu une liste des psychologues qui proposeront le remboursement des séances.
D’autre part, une hausse des demandes est à prévoir dans les prochaines années. C’est pourquoi la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques au cours de l’année 2022 est également préconisée. Cela étant afin de réduire le plus possible les délais d’attente qui peuvent prendre jusqu’à plus d’un an, notamment dans les territoires les plus en tension. À cela s’ajoute le déploiement d’une vingtaine d’équipes mobiles dans les structures médico-sociales et les Ehpad. Et enfin, l’État prévoit l’implantation d’une maison des adolescents dans chaque département du pays, avec également une centaine de places en accueil familial thérapeutique sur une période de deux ans.
Notez que le programme d’investissements d’avenir fait également profiter le secteur de la santé mentale d’un effort budgétaire à hauteur de 80 millions d’euros. Ce qui devrait permettre d’améliorer les soins pratiqués au quotidien et développer les dispositifs médicaux ou intelligences artificielles dans le secteur des neurosciences.
Une décision qui offusque certains professionnels
Bien que le dispositif de remboursement psychologue parte d’une bonne intention, cette décision, notamment les conditions imposées pour en profiter, sont réfutées par certains professionnels. Patrick-Ange Raoult, le secrétaire général du SNP, trouve notamment le dispositif scandaleux et y voit une forme de profond mépris pour la profession de psychologue qui est ainsi présentée comme un simple auxiliaire médical dans la mesure où l’accès à la prise en charge nécessite dans un premier temps une consultation auprès d’un médecin généraliste. Outre cette déqualification du métier, Patrick-Ange Raoult insiste également sur le fait que cette étape obligatoire n’apporte aucune réelle amélioration concrète aux problèmes d’accessibilité des soins psychologiques.
Quelques jours avant l’annonce faite par le Président de l’État, le secrétaire de l’UFMICT-CGT, Laurent Laporte, a d’ailleurs expliqué pendant un rassemblement organisé aux portes du ministère de la Santé le besoin des psychologues de sauvegarder leur indépendance face à la médecine. Christine Manuel, du SNP renchérit en clamant le désir des psychologues d’être également associés et de pouvoir se faire entendre autant que les médecins. Une revendication qui selon eux, est bafouée et qui les a amenés à manifester le 10 juin dernier. Selon les organisations de psychologues qui ont participé à cette manifestation, le dispositif mis en œuvre par l’État n’est pas mûrement pensé.
Ces psychologues d’affirmer qu’il s’agit d’une décision prise à la hâte et qui s’articule surtout autour des crises générées par la Covid 19. Ils comptent bien se faire entendre et ne pas laisser leur libre arbitre aux mains des pouvoirs publics.
Et enfin, la rémunération est l’autre élément pointé du doigt par les psychologues sur ce dispositif. En moyenne, un professionnel qualifié facture une séance de psychologie classique aux alentours de 60 €. Or, sur le système de remboursement consultation psychologue préconisé par l’État, les psychologues seront confrontés à une réduction de leur tarif de moitié. Face à ce constat, rares seront les professionnels aguerris qui se risqueront dans ce dispositif.
Le secrétaire général du SNP d’ajouter que seuls les jeunes professionnels prêts à tout ou en mal d’insertion se porteront potentiellement volontaires. C’est un fait probable qui rejoint d’ailleurs les craintes du président d’honneur de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon. En effet, ce dernier estime que les tarifs conventionnés dans le cadre de ce dispositif risquent davantage de dégrader la qualité des suivis apportés aux patients et cela, quelles que soient les compétences des psychologues. Selon lui, cette décision se présente surtout comme une façade visant à masquer la véritable problématique qui n’est autre que la répudiation de la psychiatrie. D’ailleurs, il ne manque pas de relater le fait qu’au cours de l’année en cours, 71 postes d’internat en psychiatrie attendent toujours d’être pourvus.
De leur côté, nombre d’acteurs, notamment ceux du milieu associatif, déplorent l’orientation sanitaire qui a surtout prévalu durant les Assises. Le Collectif Schizophrénies regrette quant à lui la surestimation des psychiatres qui y a eu lieu ainsi que la limitation de la participation des proches et des usagers concernés par la schizophrénie.